Conférence sur les entreprises libérées

Venez découvrir le concept des entreprises libérées.

Article, publié le 24 septembre 2017 à 16h47 | Mis à jour le 24 septembre 2017

L'entreprise «libérée»

Les travailleurs de Produits métalliques Bussières ne sursautent plus lorsqu'ils voient apparaître un nouveau collègue dans l'usine.

Rien plus normal, car ils l'ont eux-mêmes choisi!

C'est dorénavant leur responsabilité de se creuser les méninges pour trouver des solutions créatives afin de permettre à leur entreprise de trouver tous les talents dont elle a besoin.

Ce n'est pas celle du gestionnaire des ressources humaines.

Encore moins celle du boss

Ça se passe comme ça dans une entreprise dite «libérée».

Le site spécialisé Manager GO! explique que le principe de ce nouveau modèle d'organisation est de laisser les salariés prendre les initiatives dans leur milieu de travail.

«Le postulat de base repose sur un climat de confiance et de reconnaissance dans lequel les compétences des salariés peuvent pleinement s'exprimer, si et seulement si, une liberté totale leur est accordée. Le système hiérarchique classique est remplacé par une structure plate où les travailleurs s'autodirigent.»

Dans cette chronique, le 24 juillet dernier, nous vous parlions de Régitex, l'«usine sans patron» de Saint-Joseph-de-Beauce spécialisée dans la fabrication de fils pour les manufacturiers de tissu de haute performance.

«Avant de rencontrer Lisa Fecteau [la propriétaire de Régitex], je ne pouvais m'imaginer qu'un tel modèle d'organisation pouvait exister», raconte Steve Bussières, le président de Produits métalliques Bussières (PMB). Un sous-traitant industriel spécialisé dans la transformation des métaux en feuille, l'entreprise familiale fondée en 1991 fait travailler une soixantaine de personnes à Saint-Henri, près de Lévis.

«Faire confiance à mes employés au point de leur remettre le pouvoir de décision entre leurs mains, c'est le plus beau risque que je pouvais prendre dans ma vie.»

Bouffée de liberté

La «libération» de PMB ne fait que commencer. Steve Bussières ne sait pas à quel moment elle se réalisera complètement. 

«C'est un long chemin que nous empruntons. Je n'ai pas de plan. Je n'ai pas d'échéancier. Je n'impose pas une vitesse au changement. La prochaine étape? Je ne la connais pas. On la franchira au moment où elle se présentera à nous. Chose certaine, nous apprenons. Nous grandissons. Nous sortons de notre zone de confort.»

C'est en janvier dernier que Steve Bussières a fait part à son monde que, dorénavant, son entreprise ne serait plus la même.

Ses gestionnaires ont eu la frousse. Quelques-uns ont quitté le navire.

«Dans une entreprise libérée, l'encadrement intermédiaire n'est plus nécessaire. Le pouvoir, c'est maintenant les travailleurs qui le détiennent. Habitué de jouer au pompier et de chercher à régler tous les problèmes, le gestionnaire est appelé à laisser son ego au vestiaire, à prendre du recul et à devenir plutôt un coach qui accompagne ceux et celles qui étaient, jadis, sous sa responsabilité.»

Lui-même, Steve Bussières s'attend à jouer un rôle plus effacé. 

«Je dois combattre, tous les jours, le réflexe premier de tous les patrons qui est de vouloir régler tous les problèmes à partir de son bureau. Je dois apprendre à écouter, à poser des questions pour amener les travailleurs à prendre eux-mêmes les décisions.»

En général, les employés, eux, ont applaudi la démarche de leur boss.

«Les travailleurs recherchent toujours à obtenir plus d'écoute et plus de considération de la part de leur supérieur. Là, je leur dis : "C'est vous qui allez prendre les commandes. C'est votre responsabilité, maintenant, de prendre les décisions à l'égard, par exemple, de l'organisation du travail et des achats de matériel et d'équipement."»

Cette «bouffée» de liberté s'accompagne, par contre, de certaines obligations, notamment à l'égard de la résolution des litiges entre les employés. «Ce n'est plus le boss qui règle les conflits. C'est aux employés, maintenant, de trouver les terrains d'entente.»

Les travailleurs doivent aussi faire face à la musique lorsqu'un client se plaint de la qualité d'un produit ou d'un délai de livraison non respecté. «Ce n'est plus seulement l'apanage du chargé du projet, mais aussi du travailleur qui a pu commettre une erreur. Il doit s'expliquer devant le client.»

Évidemment, il est encore trop tôt pour évaluer les impacts sur la productivité et sur la rentabilité de l'entreprise.

N'empêche que Steve Bussières note une amélioration de la qualité du travail effectué et du respect de livraison des produits aux clients.

L'entreprise a mis en ligne des vidéos témoignant de son expérience de «libération» : http://bit.ly/2wr6yAk

Dehors, la pointeuse!

Le premier geste posé par Steve Bussières a été de faire disparaître la pointeuse qui enregistre le temps de travail des salariés. «Nous faisons confiance à nos employés dans la gestion de leur temps de travail», affirme le président de Produits métalliques Bussières.

Il rappelle que 96 % des travailleurs sont dignes de confiance et n'ont pas besoin d'un encadrement aussi rigoureux qui peut nuire à leur créativité et au développement de leur potentiel. «Toutes les règles appliquées par les entreprises sont conçues pour le 4 % de ceux qui cherchent à profiter du système.»

M. Bussières a aussi aboli son comité de direction et il a établi des canaux pour permettre la diffusion de l'information, notamment celle concernant les états financiers, pour permettre aux salariés d'avoir une vue d'ensemble sur les enjeux de l'entreprise.

Il envisage le rétablissement d'une politique de partage des bénéfices. «Il faut être cohérent. Nous croyons que le concept d'entreprise libérée nous permettra de créer de la richesse. C'est normal que cette richesse-là, on la partage avec notre monde.» 

Source : Le Soleil du 24 septembre 2017 - GILBERT LEDUC